WritingSpace/Campagnes/Absolue Nécessité/Lieux/Cyrillane.md

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2025-01-29 22:09:57 +00:00
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2025-02-03 06:59:58 +00:00
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La Cyrillane est lune des plus proches contrées de la [[Cité Franche]], laquelle dut à de nombreuses reprises dans son histoire résister à ses velléités de conquête. Cette époque semble révolue car lancien empire menace désormais de se disloquer au cours dune guerre civile dune extrême violence, alimentée par des ressentiments accumulés et par la fièvre des adeptes de [[Tamerakh]]. Le dieu de la Destruction se présente là-bas comme un libérateur, le vengeur des opprimés, celui qui châtie les tyrans. Sil est vrai que des dirigeants corrompus ont effectivement été abattus par les adeptes du destructeur, les effets négatifs dans le pays et pour les populations sont les plus nombreux et une nouvelle forme de terreur règne désormais, tandis que les diverses factions luttent pour abattre leurs rivales et sétablir comme maître incontesté des ruines.
# Coutumes
### Don et contre-don
*Inspiré par le jeu de rôle Kosmos, [[Kosmos-Thesauros.pdf]]*
Le commerce existe, mais il tient une place beaucoup plus limitée que dans le monde réel actuel, ou que dans les Moyens âges imaginaires de fantasy dépeints par les jeux de rôle et les jeux vidéo. De fait, la Grèce des époques dont Kosmos sinspire nest absolument pas capitaliste. Une économie si éloignée de notre époque mérite un petit guide . Ne vous en faites pas, elle nest exotique quen apparence. En réalité, une partie de ses codes a survécu jusquà nos jours sous la forme de règles tacites de savoirvivre. Dans la Grèce du monde de Kosmos, la plupart des foyers sont presque autarciques (je reviendrai sur ce « presque » plus loin) : toute la nourriture, tous les biens artisanaux et tous les services dont on peut avoir besoin peuvent être produits soit au sein de la maisonnée, soit au sein dune communauté de proximité (le village, le quartier, la ville). Dans le Péloponnèse et sur lîle de Crète, de nombreux villages ou villes appartiennent en outre à un royaume dirigé par un palais (Mycènes, Argos, Tirynthe, Sparte, Pylos, Cnossos…) qui prélève un impôt, redistribue une partie des biens et assure une protection militaire aux gens qui vivent sur son territoire. On na donc pas besoin de vendre ou dacheter. En revanche, la Grèce de Kosmos est un monde où lon a absolument besoin de gens sur qui compter : de relations de confiance. Faire un cadeau permet de nouer ou dentretenir une relation de confiance.
#### À qui offre-t-on des cadeaux ?
Il peut sagir :
- de membres de sa propre famille proche ou éloignée.
- de membres de la belle-famille.
- dun ou dune amie.
- dun ou dune voisine.
- dun ou dune alliée militaire.
- dun ou dune… ennemie militaire, dans le cadre dune négociation.
- dun ou dune hôte de passage.
#### Quand offre-t-on des cadeaux ?
Dans toutes sortes de contextes :
- quand on se rend visite brièvement (sans que lun héberge lautre).
- quand on se réunit quelque part.
- quand on est lhôte de quelquun (quon soit la personne qui héberge ou la personne hébergée).
- quand on cherche à lier amitié avec quelquun.
- quand on cherche à séduire quelquun (on offre alors parfois des cadeaux à connotation érotique afin quils ne soient pas pris pour de simples cadeaux damitié : une pomme croquée à une femme, un coq à un homme, etc.).
- quand un père ou une mère négocie le mariage dun de ses enfants avec une belle-famille potentielle : on établit alors la dot.
- quand on assiste au mariage dun couple.
- pour célébrer une naissance.
- pour rendre hommage à un défunt : on place les cadeaux funèbres dans sa tombe.
- en compensation pour un accident ou un dégât dont on est responsable (en cas de mort dhomme voire de meurtre, le cadeau finit par se transformer en amende, un « prix du sang », si laffaire nest pas trop grave).
- lors dune visite diplomatique.
- lors de négociations avec des ennemis, par exemple une trêve.
Les échanges de cadeaux se font, dordinaire, entre Grecs, car les relations avec des barbares fonctionnent différemment (et cest là quintervient le commerce : voyez plus loin). Mais, par exception, les relations entre personnages royaux ou aristocrates grecs et barbares sont elles aussi soumises à la coutume de léchange de cadeaux lorsquelles entrent dans le cadre de tractations diplomatiques, quil sagisse de conclure ou dentretenir une alliance, de clore un conflit, de négocier un mariage international, etc. Le roi de Mycènes envoie ainsi régulièrement des cadeaux au roi dÉgypte et réciproquement, tout comme le roi de Crète avec les souverains de telle ou telle ville de Chypre, etc.
#### Doit-on offrir un cadeau dès quon en reçoit un ?
Oui, mais pas nécessairement tout de suite. Le principe le plus important est que tout cadeau appelle un cadeau en retour, autrement dit, tout don appelle un contre-don. Mais ce contre-don na pas besoin dêtre donné tout de suite. Au contraire : lécart temporel entre le don et le contre-don est très important, parce quil montre la confiance établie entre les deux personnages. Pendant cette période, le personnage qui se retrouve en position de débiteur ne doit pas oublier ce quil doit. Lors de la rencontre suivante, cest au débiteur doffrir un cadeau.
#### Quoffre-t-on, et quelle valeur doit avoir le cadeau ?
Les principes de base des échanges de cadeaux sont que :
- **Un cadeau doit être adéquat** : utile à la personne à qui on loffre (ou, au moins, facile à échanger contre autre chose), joli, et si possible adapté aux circonstances (quitte à offrir un vase peint à des mariés, autant que la scène peinte dessus ait un rapport avec lamour et le mariage).
- **Un cadeau doit être convenable.** On noffre pas un chien mort. On noffre pas un cadeau à connotation érotique à une femme mariée, ni un vase funèbre comme cadeau de naissance, etc. Un cadeau inconvenant constitue un impair qui peut être grave : il peut être pris comme une insulte ou une provocation.
- **Un cadeau doit avoir une valeur adaptée aux circonstances.** Si tout le monde offre un petit cadeau et quon est le seul à offrir un cadeau très coûteux, cela peut être un impair… ou au contraire loccasion de faire étalage de sa richesse ou dune générosité orgueilleuse. À linverse, un cadeau trop petit peut dénoter lavarice ou une relation qui se dégrade, ou bien trahir la pauvreté.
- **Lors dun échange, les cadeaux doivent être de valeur égale.** Cest la différence cruciale entre les échanges de cadeaux et le commerce : un échange de cadeaux ne profite, en théorie, à personne. Quand on reçoit un cadeau, il faut choisir attentivement ce quon va offrir en retour, afin de nêtre ni avare, ni excessivement généreux. En pratique, il arrive quun échange soit inégal et que ce soit convenable, par exemple si un parent soutient son enfant en train de sétablir à son compte. Mais en général, un échange inégal couvre de ridicule le héros au détriment duquel il se fait. Au cours dune bataille de la guerre de Troie, lAchéen Diomède, fils de Tydée, sapprête à se battre contre le Troyen Glaucos fils dHippoloque. Mais en se défiant, les deux héros se rendent compte quils sont apparentés dassez près. Après avoir longuement discuté sur le champ de bataille, ils renoncent à se battre. Pour sceller leur amitié, ils se prennent les mains, puis échangent leurs armes. Mais les armes de Glaucos sont richement ornées dor et ont une valeur de cent bœufs, un luxe rare, alors que les armes de Diomède sont de bronze et n'en valent que neuf : Glaucos fait une folie puisquil perd largement au change2 !
- **Chacun offre ce quil peut selon son niveau de richesse.** Quand les deux personnages ont à peu près le même niveau de richesse, tout va bien. Quand lun des deux a un niveau de richesse nettement plus élevé, il peut, soit sadapter au niveau de richesse du plus pauvre, soit montrer sa richesse en faisant un cadeau coûteux. Ce second cas ouvre lui-même deux possibilités : soit cela va obliger lautre personnage à faire un effort considérable pour préparer un cadeau de même valeur au personnage riche (ce peut être un moyen de faire de quelquun un débiteur, qui se sentira contraint daccepter de rendre toutes sortes de services), soit le personnage le plus riche déclare explicitement quil nattend pas de retour, et se montre alors authentiquement généreux.
- **Un cadeau peut consister en un bien matériel, mais aussi en un service rendu.** Il peut sagir dun aliment, dun animal vivant, dun objet, voire dun esclave, ou même (pour les cadeaux les plus dispendieux) dun lot de terrain ou dun bâtiment. Mais un cadeau peut aussi consister en un service rendu, quil sagisse daider à accomplir une tâche du quotidien (laisser quelquun utiliser un four à pain ou une charrue ou venir moudre son grain au moulin) ou dassurer la protection dun endroit ou dune personne qui viendra là en voyage, etc. Lalliance militaire nest parfois pas loin.
- **On peut offrir en cadeau des objets quon a soi-même reçus en cadeau.** Ce nest pas inconvenant, en général.
- **On offre parfois des objets auxquels on tient beaucoup.** La valeur affective dun objet (par exemple un héritage ou don fait par un ou une amie) nempêche pas de donner lobjet à quelquun dautre. Mais elle confère une valeur supplémentaire à lobjet. Son propriétaire choisit donc attentivement la personne qui sera digne de le recevoir en cadeau : un proche, un ou une amie intime, une personne qui lui a rendu un service immense… Il arrive aussi que le propriétaire organise une compétition pour choisir qui obtiendra lobjet. *Un exemple fameux est celui des funérailles dAchille dans lIliade : sa mère, la nymphe Thétis, récupère les armes divines forgées par Héphaïstos pour Achille (voyez plus loin « Armes dAxchille » au chapitre « Les créations dHéphaïstos ») et elle désire les léguer à un héros qui en soit digne. Larmée achéenne se concerte et deux héros, Ajax fils de Télamon et Ulysse, font chacun un discours pour expliquer en quoi ils se pensent dignes de recevoir ces armes. Ulysse, moins fort quAjax, mais plus éloquent, emporte ladhésion des soldats et de Thétis. De jalousie, Ajax sombre dans la folie et se suicide.*
- **Lhistoire des propriétaires successifs dun objet peut ajouter à sa valeur.** La personne qui fait le cadeau, si elle connaît bien lhistoire de lobjet offert, prend le temps de la raconter (et donc de la transmettre aussi) au récipiendaire du cadeau. Mais il arrive quun personnage doive lui-même partir en quête dinformations sur lhistoire dun objet, ce qui peut former le sujet dun scénario entier dans le cas dobjets à lhistoire complexe. Cette histoire peut recéler des révélations sur la légitimité du propriétaire si lobjet a été mal acquis, volé, pris par fourberie… Car lhistoire des anciens propriétaires dun objet couvre parfois cet objet dinfamie, voire révèle une impureté religieuse ou une malédiction. Dans ce cas, soit on peut laver cette souillure par un rituel religieux ou magique approprié, soit il vaut mieux se séparer de lobjet, ou le détruire, ou loffrir à un ennemi. Exemple : voyez le sceptre de Pélops, au chapitre « Les créations dHéphaïstos ».
#### Alors, quand fait-on du commerce ?
Être marchand nest pas un métier bien considéré. Les héros et les héroïnes épiques ne vendent donc rien eux-mêmes, ou le moins possible. En revanche, on recourt au commerce pour se procurer des ressources introuvables en Grèce (ou trop rares par rapport aux besoins), autrement dit pour faire des achats dimportation. La principale ressource de ce type est le métal : le cuivre et létain (qui servent à fabriquer le bronze), lor et largent (les rares gisements que les Grecs connaissent ne couvrent pas leurs besoins : chercher un gisement de ce type peut dailleurs constituer une aventure à part entière pour les PJ), et des biens exotiques tels que les épices, certains parfums, les animaux ou produits dorigine animale inconnus en Grèce, des outils, instruments de musique ou armes de modèles barbares, etc. Il n'y a aucune honte, même pour un roi ou une reine, à marchander pour acquérir de tels produits. Ces produits, qui viennent des contrées barbares, sont vendus par des étrangers de passage en Grèce, par exemple des Phéniciens, ou des demi-barbares comme les Chypriotes (habitants de lîle de Chypre), ou, rarement, des Égyptiens, des Assyriens ou des Tyrrhéniens3 . Les PJ peuvent aussi se procurer ces biens lorsquils voyagent hors de Grèce. La relation de confiance qui existe au sein dune communauté grecque ou entre membres de laristocratie nexiste pas avec des étrangers de passage. De plus, la rareté (ou le caractère unique) des visites fait quon ne peut pas toujours entamer un cycle déchanges de cadeaux avec un étranger de passage. Les rencontres qui en résultent sont des relations où chacun a besoin dun objet précis, mais pas détablir un lien social renforcé. On pratique alors le troc, cest-à-dire un échange de biens commercial, où chacune des parties va tenter de faire du profit, cest-à-dire de repartir avec des biens ayant une valeur supérieure à celle des biens quil aura cédés. Le lien social, lui, existe, mais il se cantonne à une simple non-hostilité.
Bien entendu, ce type de relation peut se renforcer, à terme, pour devenir une relation de confiance, dhospitalité régulière, dalliance militaire, voire damitié ou dalliance matrimoniale. Mais cela suppose quelle cesse dêtre ponctuelle et perdure dans le temps (et que les personnages apprennent un tant soit peu leurs langues respectives).
#### En termes de jeu
Les PJ vont très souvent offrir et recevoir des cadeaux. Même si cela peut être plaisant de jouer le détail de ces échanges, ce nest nullement une obligation, car cela peut ralentir le rythme dune partie et devenir fastidieux. Souvent, il ny a pas besoin de demander quel cadeau précis est donné ou reçu. Vous pouvez alors vous contenter dévaluer le niveau global de richesse des personnages concernés : voyez le chapitre « Les niveaux de richesse ». Mais il y a deux types de circonstances où cela peut être intéressant de jouer un échange de cadeaux en détail : 1) quand il y a une différence de niveau de richesse assez grande pour quun des deux personnages ait du mal à donner (tout de suite ou plus tard) un cadeau dune valeur équivalente à ceux quil reçoit. Cest un bon prétexte de péripétie, ou même un moyen de démarrer une aventure. 2) Quand les cadeaux reçus ou offerts revêtent une importance particulière dans laventure, par exemple lors dune rencontre diplomatique délicate ou dune négociation de trêve, ou encore lorsque les PJ doivent plaire (ou ne pas déplaire) à un PNJ important. Cest bien sûr également indispensable si un PJ veut séduire quelquun ou se marier.
> Sur ce mécanisme du « don et du contre-don » (quon retrouve dans de multiples sociétés), je mappuie ici principalement sur Finley (1986, chapitre « Richesse et travail ») et Garlan (1999). Toutes les références renvoient à la bibliographie et à la sitographie, à la fin de ce supplément.